Amiable composition
amiable
composition, décision de justice prise en équité.
Les parties à un litige peuvent choisir que la
décision d’intervenir soit prise en équité et non en suivant les règles
traditionnelles de droit. Les parties transmettent ce pouvoir au juge qui prend
alors le nom d’amiable compositeur.
Le jugement en équité est l’ancêtre du jugement
puisque, historiquement, il remonte à une époque où la règle de droit n’était
pas encore formalisée. Celui qui jugeait était doté du sentiment de justice qui
fondait sa décision. Dans le vieux conflit qui oppose encore aujourd’hui
l’application de la règle de droit au sentiment que la justice a été rendue, le
jugement en équité permet la rencontre du droit et de la justice, car l’amiable
compositeur ne tranchera qu’au regard de ce qu’il estime être juste. Cependant
si le juge peut s’affranchir des règles de droit, il n’y est pas tenu ; il peut
trancher le litige selon les règles de droit qui lui semblent équitables, car
l’équité et le droit ne sont pas toujours divergents. On n’est pas loin ici de
la justice idéale, dont l’exemple le plus célèbre est évidemment le jugement
rendu par le roi Salomon, archétype de jugement rendu en équité et non en
droit.
La personnalité de celui qui juge est capitale
dans l’amiable composition car c’est à son bon sens que les parties s’en
remettent. Elles doivent donc avoir une entière confiance en son sentiment de
justice. Surtout que la décision rendue en équité a la même force que si elle
l’avait été en droit, et les parties seront contraintes de la même façon à
l’exécuter. C’est pourquoi, en pratique, on observe souvent quelques réticences
à abandonner sa cause à une autorité aussi imprévisible que l’équité de celui
qui va juger.
En outre, le domaine d’application de l’amiable
composition est extrêmement étendu puisque presque tous les litiges peuvent être
tranchés par un amiable compositeur. Seuls les conflits sur les droits dont les
parties n’ont pas la libre disposition, comme les droits attachés à la personne
par exemple, ne peuvent lui être soumis. Cette limite est naturelle puisque,
comme on l’a dit, l’amiable composition est avant tout fondée sur l’accord des
parties. Si celles-ci n’ont pas la libre disposition de leurs droits, il est
logique qu’elles ne puissent décider du mode de jugement.
Cependant, s’il est vrai que la décision sera
prise sans fondement juridique particulier, le mode d’adoption de la décision
devra, lui, respecter les garanties fondamentales d’une bonne justice qui sont
attachées à tout contentieux, et auxquelles on ne peut jamais déroger, comme les
droits de la défense, le principe du contradictoire, l’indépendance de celui qui
juge, etc.
Cette garantie permet que l’amiable composition
puisse être pratiquée tant par les juges étatiques que par les arbitres.
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L’AMIABLE COMPOSITION DU JUGE
ÉTATIQUE |
L’amiable composition du juge étatique est
l’une des grandes innovations du nouveau code de procédure civile. Instauré par
le décret du 9 septembre 1971, l’article 12, alinéa 4, du nouveau code de
procédure civile, dispose en effet : « Le litige né, les parties
peuvent […] conférer au juge mission de statuer comme amiable compositeur, sous
réserve d’appel si elles n’y ont pas spécialement dérogé. »
Le recours à l’amiable
composition judiciaire est donc extrêmement simple puisque les
parties n’ont qu’à en émettre le souhait
auprès du juge appelé à trancher leur litige.
Elles peuvent, de surcroît, renoncer à faire
éventuellement appel de la future décision. Toutefois,
outre que les parties doivent avoir la libre disposition de leur
droits, deux autres conditions devront être remplies avant de
recourir à l’amiable composition. D’une part, il
faut que le litige soit déjà né,
c’est-à-dire, qu’à l’inverse de ce
qu’il en est pour l’arbitrage, l’accord sur
l’amiable composition n’aura pas de valeur si le litige
n’est qu’éventuel. D’autre part, cet accord
doit revêtir une forme suffisamment expresse pour être
certain. On ne saurait se contenter d’un accord implicite.
Pourtant, malgré la simplicité du procédé et
le fondement juste qui le sous-tend, il faut bien reconnaître que l’amiable
composition judiciaire n’a pas eu le succès escompté par ses promoteurs.
Présentée à l’origine comme une révolution judiciaire, l’amiable composition n’a
pas rencontré d’adhésion massive des justiciables. Parmi les nombreuses raisons
qui peuvent être fournies pour expliquer cet échec, la principale tient à
l’obligation d’attendre que le litige soit déjà né pour transmettre le pouvoir
d’amiable composition. Cette obligation présente en effet l’inconvénient majeur
de postuler que les deux parties auront intérêt à être jugé en équité. Or, une
fois le litige né, les parties ont nécessairement des intérêts divergents, et
l’une a toujours une position juridique plus favorable que l’autre. Cette partie
n’aura donc a priori jamais intérêt à ce que son litige soit tranché en
équité si elle sait que l’application stricte du droit consacrerait sa position.
Entre les deux parties, l’une aura toujours intérêt à ce que la décision soit
prise en droit, et l’autre en équité. Dès lors la conciliation est illusoire, et
l’accord des deux parties ne se fera presque jamais.
On relève aujourd’hui plusieurs manifestations
destinées à pallier l’insuccès de l’amiable composition judiciaire. Il y a
d’abord un mouvement doctrinal qui défend le recours à l’amiable composition
judiciaire, et qui plaide en faveur de l’abandon de l’obligation d’attendre que
le litige soit déjà né. Cette doctrine rencontre de plus en plus d’échos
favorables, si bien qu’il est possible qu’une réforme intervienne en ce sens à
brève échéance.
Il y a ensuite, et surtout,
une prise de conscience de certaines juridictions de la
nécessité d'encourager et d'encadrer l'amiable
composition judiciaire. Deux juridictions de degrés divers ont
ainsi créé des chambres d’amiable composition en
leur sein. Il s’agit du tribunal de grande instance de Nancy et
de la cour d’appel de Versailles. Cette seconde démarche
est encore plus audacieuse car elle intervient en appel et suppose que
la partie qui a triomphé juridiquement en première
instance accepte de s’en remettre en appel à
l’équité. C’est pourquoi, là encore,
ces démarches n’ont pas rencontré de
véritable succès.
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L’AMIABLE COMPOSITION DE
L’ARBITRE |
Dans le droit de l’arbitrage, la situation est
toute différente. On sait que l’arbitre, juge privé, tranche les litiges par une
décision juridictionnelle qui a la même autorité de chose jugée qu’une décision
judiciaire. À l’instar du juge, sa décision peut être rendue en droit ou en
équité. En effet, l’article 1474 du nouveau Code de procédure civile dispose :
« L’arbitre tranche le litige conformément aux règles de droit, à moins que,
dans la convention d’arbitrage, les parties ne lui aient conféré mission de
statuer comme amiable compositeur. »
À l’inverse de l’amiable composition
judiciaire, celle de l’arbitre peut être décidée par les parties alors que le
litige n’existe pas encore. Une simple clause d’amiable composition insérée dans
le contrat principal engage les parties, dès la signature, à soumettre leur
éventuel litige à un arbitre qui statuera en équité. Cela explique en partie le
succès conséquent de ce mode de résolution des litiges qui représente environ
25 p. 100 du total des arbitrages, qu’ils soient internes ou
internationaux.
En outre la confiance dans ce mode de
résolution des litiges est certaine car le choix de l’amiable composition
entraîne automatiquement une renonciation à l’appel de la sentence rendue en
équité. Toutefois les parties peuvent décider, aux termes de l’article 1482 du
nouveau Code de procédure civile, qu’elles ne renonceront pas à l’appel. Il est
alors intéressant de noter que l’appel aura lieu devant une cour d’appel
judiciaire qui sera tenue de statuer dans les limites de la mission des
arbitres, c’est-à-dire qu’elle statuera en amiable composition.
Mais la principale raison qui explique le
succès de l’amiable composition arbitrale tient à la différence essentielle
entre la justice étatique et la justice arbitrale. À l’inverse du juge,
l’arbitre est choisi par les parties. Dès lors la relation de confiance est
moins ténue et s’en remettre à son sentiment d’équité est plus justifié. La
différence ne tient donc pas à l’amiable composition elle-même qui est
invariable, mais à son environnement juridique.
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